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Traduction du tome 6.

Le Pourvoyeur de Mort.

 

PROLOGUE

 

La porte fermée faisait danser la lumière des chandelles, valsant et vacillant au-dessus de la jeune fille sanglée à la table. Elle tourna la tête vers lui. Son visage, comme tout le reste de son corps, était décoré de petites et pâles cicatrices, symboles laborieusement gravés dans sa chair au cours des quelques derniers mois. Son nom était Melancholia St Clair. Elle était son secret. Son expérience. Sa dernière, désespérée quête de pouvoir.

– Ça fait mal, dit-elle.

Vandameer Craven, Clerc de Première Classe de l’Ordre Nécromancien, diplômé de l’École des Langages Ésotériques et adversaire craint sur le champ de bataille, acquiesça et lui tapota la main. Elle était entrée dans son arrangement avec une sorte de zèle que seules les personnes véritablement avides pouvaient rassembler, mais récemment ses désagréables crises d’apitoiement sur soi-même étaient devenues de plus en plus fréquentes.

– Je sais, ma chère, je sais que ça fait mal. Mais la douleur n’est rien. Une fois ton travail achevé, il n’y en aura plus. Tu as souffert pour nous tous. Tu as souffert pour toute vie dans ce monde, dans cet univers.

– S’il vous plaît, gémit-elle. Arrêtez. J’ai changé d’avis. S’il vous plaît. Je n’en veux plus.

– Je comprends, dit-il tristement. Je comprends. Tu as peur parce que tu penses n’être pas assez forte. Mais je sais que tu es assez forte. C’est pourquoi je t’ai choisie, parmi tous les autres. Je crois en toi, Melancholia. J’ai foi en ta force.

– Je veux rentrer chez moi.

– Tu es chez toi.

– S’il vous plaît…

– Là, là, ma chère fille, tu n’as pas besoin de supplier. L’Élévation est une belle et merveilleuse chose, et il faut la chérir. Tu as atteint une nouvelle étape. Tu es devenue celle que tu aurais toujours dû être. Nous passons tous par là. Chaque sorcier passe par là.

Elle grinça des dents lorsqu’un spasme de douleur la fit se cambrer, puis elle haleta :

– Mais ce n’était pas censé être aussi long. Vous disiez que je serais la plus puissante sorcière en ce monde. Vous n’avez rien dit à propos de ça.

Craven fit l’effort de la regarder dans les yeux. Il méprisait les gens qui transpiraient, et la sueur ruisselait sur elle en de longues trainées. Il eut un haut-le-cœur en observant son visage humide, dégoulinant et effrayé.

– Avec le pouvoir que je t’ai promis, tu dois juste souffrir un peu plus que nous, expliqua-t-il. Mais tout le travail que nous avons fait, que nous t’avons préparé, tout cela vaudra le coup. Fais-moi confiance. Les symboles que j’ai gravés sur toi s’emparent du pouvoir de l’Élévation et le conservent, ils tournent autour, ils lui permettent de grandir, ils lui permettent de devenir plus fort.

– Laissez-moi partir.

– Encore juste un jour ou deux.

– Laissez-moi partir ! hurla-t-elle, et des ombres jaillirent autour d’elle, s’élevant et se débattant telles des tentacules.

Il s’avança hâtivement, lui arrachant un sourire.

– Mais bien sûr, ma chérie. Tu as absolument raison —le temps est venu.

Ses yeux s’écarquillèrent et les ombres se rétractèrent. Il doutait qu’elle les maîtrisât déjà. Sanglée et attachée comme elle l’était, elle ne devrait pas être capable d’exercer un tel pouvoir. Pour une fois, le sourire de Craven était authentique. C’était un bon signe.

– C’est bon ? demanda-t-elle d’une voix douce. Vous allez me laisser partir ?

– Te laisser partir ? répéta-t-il, et il eut un petit rire, comme s’il allait défaire ses sangles. Tu dis ça comme si tu étais ma prisonnière ! Melancholia, je suis ton ami. Je suis ton guide. Je suis l’unique personne dans le monde entier qui sera toujours honnête avec toi, tu peux en être certaine.

– Je… Je le sais, Clerc Craven, dit-elle.

Il tira un mouchoir de sa robe et s’en servit pour essuyer son bras humide et glissant afin de l’aider à se redresser.

– Nous devons choisir le bon moment pour parler de toi au Grand Prêtre, mais une fois que nous lui aurons dit ce que nous avons fait ici pendant tout ce temps, tout va changer. Le monde découvrira que tu es la Pourvoyeuse de Mort, il y aura bien des gens qui se disputeront tes faveurs. Ne fais confiance à aucun d’entre eux.

Elle acquiesça docilement.

– Il y en aura certains qui ne comprendront pas, même au sein de l’Ordre Nécromancien lui-même. Chaque fois que tu auras un doute, ou que tu auras peur, ou chaque fois que tu voudras juste parler —je serai là pour toi.

– J’ai peur maintenant, dit Melancholia, ses doigts se resserrant sur le poignet de Craven.

Celui-ci fit appel à tout son sang-froid pour ne pas trembler de dégoût à son contact moite.

Il eut un sourire rassurant.

– Il n’y a rien à craindre, pas tant que je suis avec toi. Réjouis-toi, ma chère. Très bientôt, tu vas sauver le monde.

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